Notre approche des personnes sans-abri : « Housing first – Housing inclusion »
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Notre approche des personnes sans-abri : « Housing first »

Notre approche est une approche d’accompagnement global de la personne sans-abri.

Notre approche part :

  • du terrain, par la rencontre des personnes sans-abri, pour aller vers le plaidoyer (« l’advocacy »), au niveau des instances de l’Union européenne ;
  • et vice-versa, à savoir que la prise en compte des études, rapports et documents de travail des instances de l’Union Européenne, dont ceux de la Commission Européenne, nourrit notre travail sur le terrain.

Notre Association est une des rares Associations européennes qui comporte des adhérents, qui ont été sans-abri, et qui sont sortis de leur situation d’exclusion sociale, et d’autres adhérents qui sont encore à ce jour en situation de sans-abri, au sens de la définition du droit européen.

Les témoignages pratiques de ces personnes sans-abri enrichissent de manière très concrète notre combat contre l’exclusion sociale et en faveur de l’inclusion sociale, dans le domaine du sans-abrisme.

1/ Définition en droit européen d’une « personne sans-abri « et de « l’exclusion sociale ».

Il n’y a pas une définition unique de la situation des personnes sans-abri (en droit européen, le « sans-abrisme ») qui soit adoptée dans tous les États Membres de l’Union Européenne.

Dans certains pays, le « sans-abrisme » est encore limité à la catégorie la plus visible et nécessiteuse de personnes « dormant à la dure », à savoir des personnes qui passent la nuit à l’air libre. Cette approche ne tient pas compte des personnes sans domicile fixe, vivant dans des foyers pour personnes sans-abri, ou dans des conditions très précaires de logement, ou dans des logements insalubres, ni les personnes à risque imminent de devenir sans-abri en raison d’une location de transition ou d’une propriété très précaire, ce qui équivaut en fait à du sans-abrisme.

Lors de la Conférence de Consensus Européen de 2010, les Etats Membres et la Commission Européenne se sont mis d’accord sur la définition « ETHOS » (en anglais : « European Typology on Homelessness and housing exclusion »), qui est la définition de l’Union Européenne de l’exclusion liée au logement.

Cette définition provient de l’interprétation physique, sociale et juridique de ce qu’un « chez soi» signifie.

Elle définit les quatre circonstances de vie suivante, comme définition du sans-abrisme ou des formes extrêmes d’exclusion de logement :

  • Personnes sans-toit : personnes vivant « à la dure » et personnes dans un hébergement d’urgence ;
  • Personnes sans logement : personnes dans un foyer d’hébergement pour sans-abris, personnes dans un foyer pour femmes, personnes dans un foyer d’hébergement pour les migrants, personnes sur le point d’être libérées de manière imminente par les institutions et personnes bénéficiant d’un accompagnement à long-terme en raison de leur situation de sans-abri ;
  • Personnes en logement précaire : personnes vivant dans des locations précaires, sous la menace d’une expulsion ou de violences ;
  • Personnes mal-logées : personnes vivant dans des logements insalubres, des logements non-classiques, par exemple dans des caravanes sans accès adéquat à des services publics tels que l’eau, l’électricité ou du gaz ou dans des situations de promiscuité extrême).

L’Allemagne, le Danemark, la Finlande, le Luxembourg, les Pays-Bas, la Suède et le Royaume-Uni utilisent déjà une définition large de la situation du sans-abrisme, en suivant la logique de la définition ETHOS, mais , dans de nombreux cas, cette définition exclut la catégorie 4 ETHOS ci-dessus.

La Belgique, la France, la Hongrie, l’Irlande, le Portugal utilisent une définition plus étroite pour leur politique et une définition plus large dans le comptage et les objectifs de recherches.

L’Autriche, la République Tchèque, l’Espagne, la Grèce, l’Italie, la Pologne utilisent une définition plus étroite, tandis que la Belgique, Chypre, l’Estonie, la Slovaquie, la Lituanie, la Lettonie, Malte, la Roumanie et la Slovénie n’ont pas encore commencé à adopter une définition standardisée.

(sources : European Commission staff working document confronting homelessness in the European Union, http://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/ALL/?uri=CELEX%3A52013SC0042)

2/ Différence d’approches du combat contre le sans-abrisme

Au niveau des pays de l’Union Européenne, il existe deux approches possibles pour la réintégration sociale et professionnelle des personnes sans-abri :

  • l’approche par le logement en premier, dénommé « Housing-led homelessness strategy », très implanté au DANEMARK et en FINLANDE ; aux Etats-Unis, cette approche est aussi dénommée « Housing First » ;
  • l’approche par une réintégration par étapes, dénommée « Staircase system », qui consiste à sortir de la rue par l’hébergement d’urgence, puis par un logement précaire ou de transition, puis par un logement durable : cette politique est opérationnelle dans la majorité des pays de l’Union Européenne

Selon les études de la Commission Européenne, cette seconde approche est très critiquée parce qu’elle prolonge à long terme le sans-abrisme et que l’obtention d’un logement durable peut mettre des années, ce qui revient très cher à la collectivité.

Notre Association a donc choisi d’opter pour l’approche « Housing-led homelessness strategy », qui est réputé au niveau européen pour être efficace.

Cette approche reste le principe en FRANCE, mais elle n’est pas une réalité opérationnelle en pratique.

(sources : European Commission staff working document confronting homelessness in the European Union,

http://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/ALL/?uri=CELEX%3A52013SC0042)

3/ Rencontre de la personne sans-abri – Restauration du lien social

Pour notre action, sur le terrain, nous privilégions :

  • une approche pragmatique, des personnes sans-abri, y compris celles très désocialisées refusant toute aide directe ou indirecte des pouvoirs publics et des administrations ;
  • une approche multi-disciplinaire, des personnes sans-abri, au vu de la complexité de chaque situation ;
  • une approche individualisée, au cas par cas, conscient que chaque personne sans-abri a un parcours personnel, heurté par une ou plusieurs ruptures (licenciement, séparation ou divorce, exil …), et qu’elle ne parle pas nécessairement notre langue natale (personnes en situation de migration, issus d’un pays tiers à l’Union Européenne, personnes citoyennes d’un pays de l’Union Européenne etc …) ;
  • une approche juridique complétée par des études spécifiques, notamment par des rapports et des Documents de travail de la Commission Européenne, et de toutes instances qui lui sont liées.

La rencontre de la personne dans la rue est au cœur de notre action.

Pour cela, nous créons d’abord avec la personnes sans-abri un espace d’échanges, avec des valeurs de confiance, d’écoute, de partage, de détente, et même parfois … de rire, parce que certains personnes de la rue ont beaucoup d’humour. Le rire est le premier facteur de confiance pour reconstruire des liens sociaux, rompus par la rupture et la solitude.

Cet espace d’échanges est positif parce qu’il pense en priorité la rencontre avec la personne, et qu’il permet de restaurer du lien social, préalable important à toute forme de réinsertion sociale et professionnelle.

« A partir du moment ou l’on pense la rencontre avec la personne, on devient professionnel », confie Patrick ROUYER, Directeur du SIAO de Paris, ancien délégué régional de la FNARS, et ancien directeur des missions sociales au sein de l’Association EMMAÜS (ouvrage « Brut de Charité », page 97).

Les membres de notre Association sont formés à respecter le territoire de la rue comme étant le domicile des personnes sans-abri.

Cet espace d’échanges peut se situer autour d’un camion de distribution gratuite de repas, ou sur un banc dans la rue, ou dans une caravane insalubre, ou assis sur un carton avec la personne sans-abri.

Tout est possible, rien n’est impossible : souplesse, humanité et pragmatisme sont des facteurs-clés de succès, qui accompagnent notre engagement et notre professionnalisme.

4/ Vers l’inclusion sociale

Ensuite, une fois la confiance restaurée, nous sommes à même de faire le point, en profondeur, et dans le respect de la personne, sur sa situation professionnelle antérieure, sa situation financière actuelle, ses besoins actuels, son éventuel statut (passé, présent ou à venir) de personne handicapée, sa situation sociale et affective.

Nous mettons à profit des schémas innovants et qui ont fait leurs preuves, tels que :

  • l’expérience française concrète de l’Association du « Collectif des SDF de LILLE », qui a relogé 156 personnes sans-abri en 3 ans sur la Ville de LILLE, FRANCE, en axant son analyse sur l’éviction des hébergement d’urgence et sur la priorité accordée au logement durable, avec des bailleurs privés ;
  • l’expérience anglaise concrète de l’Association, « The Sock Mob », à LONDRES, qui permet la réintégration professionnelle de personnes sans-abri par un travail salarié, consistant à réaliser des visites guidées des touristes dans les rues de LONDRES, rues bien connues des personnes sans-abri.

Le logement durable crée un sentiment de sécurité, qui permet de reconstruire la personne.

A cette fin, nous réalisons :

– soit des entretiens personnalisés, en vue d’une réintégration professionnelle, avec une souplesse de moyens et d’objectifs, qui varient selon le budget affecté (dons privés issus de donateurs), et qui comportent notamment l’assistance à la rédaction de CV et de lettres de motivations et l’accompagnement physique aux entretiens d’embauche ;

– soit, selon les besoins et les situations spécifiques, un accompagnement individualisé vers d’autres Associations partenaires, ou sur des initiatives coordonnées par les pouvoirs publics (Union Européenne, État, collectivités territoriales, Centres Communaux d’Action Sociale).

Nous sommes en présence d’un travail long, lent, progressif, qui nécessite un accompagnement spécifique, une assistance sur-mesure et un logement personnel permettant le sentiment de sécurité.

En connaissant mieux le parcours professionnel antérieur, les capacités professionnelles et les besoins professionnels actuels de la personne sans-abri, nous privilégions un cercle vertueux, sur le plan sociétal, comme suit :

  • au niveau des personnes sans-abri, leur permettre une réintégration professionnelle et sociale durable, par le travail, sur le marché de l’emploi ;
  • au niveau des entreprises ou des Associations, encourager les embauches en identifiant des profils professionnels de personnes en difficulté, susceptibles de faire l’objet de contrats aidés, par des subventions ou des exonération de charges sociales – exemple en France : contrats d’avenir, CUI-CAE, CUI-CIE, CIE Starter pour les plus personnes sans-abri les plus jeunes;
  • au niveau des collectivités locales, de l’Etat et de l’Union Européenne, faciliter le développement des politiques sociales mises en œuvre, en améliorant le taux d’emploi des personnes sans-abri et en diminuant le coût économique d’une personne sans-abri pour la collectivité.